2008 La Grange – St Siméon de Bressieux (avec Robert Pierrestiger et Alain Danerol)
« La nouvelle exposition d'été de La Grange vaut le déplacement ne serait-ce que pour les deux fenêtres vidéographiques de Payan. Un écran est à la fois encadré et caché par une vitre à demi-ouverte qui le "recouvre" afin de donner plus de profondeur à l'image : à son noir, son blanc et ses signes (silhouettes) à peine visibles. Dépourvues de base réalistes, les deux vidéos se tiennent là, dans l'infrangible masse translucide de leur boîtier et dans leur fuyante identité qui leur donnent un aspect aussi insaisissable que l'existence. Entre matière et image, entre l'écran et son double, surgit autant une interrogation sur le temps que sur l'espace.
Les deux vidéos laissent apparaître quelques empreintes au bord du monde. Par effet de surface et de diaphanéïté elles remontent une forme de généalogie du corps sous ses drapés. Elles font basculer la mémoire en une sorte de passage énigmatique. Il ne s'agit presque plus que d'ombres "portées". Mais le retrait n'est pas tant dans ce que Payan montre mais dans ses "relevés". Il n’y a presque rien. Mais (aussi) il n'existe presque pas de caché. Le trajet doit forcément passer par là. Le blanc (surexposé) de neige remplit l’espace mais dessus il y a l'épure. L'artiste nous fait entrer dans notre histoire , nos peurs et nos refus.
Ces deux vidéos "sonnent" dans leur silence sans fond comme une sorte de noce d'aube et de crépuscule. L'homme en leur lieu demeure prostré mais s'ouvre lorsqu'il se croît desséché à quelque chose de doux. Par delà la distance, accentuée par l'effet de vitre, une image primitive attend encore avant que d'éclater de l'émoi particulier que Payan crée. Il s'agit peut-être de tenir à la solitude mais de différer le cercle de sa clôture là où tout demeure en suspens dans l’espace du caché et dans un étrange cours afin de suggérer l’invisible et d’épouser le mouvement imperceptible de nos silences.
Contre les terres brûlées de l’absence, contre les territoires asséchés par nos manques , de telles vidéos serpentent dans la mémoire. On épouse les vibrations et les immobilisations d'une image-mouvement qui devient un abri précaire. La puissance d'un tel travail demeure liée à sa lumière noire. Elle est aussi la voix qui en nous se tait mais autour de laquelle tourne un soleil espéré. L'approche de Payan devient une nouvelle fois le geste qui nous arrache à nous-mêmes parce qu'il nous plonge au fond du peu qu'on est. Ainsi un autre jour se lève chaque fois que sur l'écran les "cendres" d’un homme grésillent. On sort du trou de l’ombre, du vide pour se “ perdre ” sans justification du côté de la vie. »
Jean-Paul Gavard-Perret (critique d'art - Université de Savoie)