Presse – Jean-François Garmier (Conservateur du Musée de Mâcon)

Lorsque le besoin de créer se fera sentir, au seuil de l’âge adulte, Charles Payan choisira de s’exprimer, malgré l’absence de connaissances techniques et culturelles dont il ne lui a pas été donné de faire l’apprentissage. Il prendra, en dehors des sédiments soigneusement stratifiés que l’on a l’habitude de désigner sous le nom de culture, la difficile voie de la liberté. Au début, les images que le regard de l’enfant perçoit de plain-pied, au ras du sol, images minérales de son Ardèche natale. Longtemps après, ces lambeaux de mémoire visuelle seront le premier sujet de sa réflexion créatrice : couleurs, rythmes, matières. Matières surtout qui formeront la trame de ses premiers travaux élaborés hors des techniques traditionnelles : peinture, dessin, sculpture, dans le langage de l’abstraction qui est le seul possible, le seul voulu. Une certaine solitude d’abord, qui tient surtout au fait qu’il n’imagine pas de continuer mais, au contact du public, il prend conscience que ce qui n’était que les pages monologuées d’une sorte de journal intime peuvent devenir dialogue, échange, écho en retour. L’exposition devient un but, l’œuvre qui n’est pas montrée est inutile, le regard d’autrui fait partie de la dynamique de la création, l’artiste donne et reçoit pour changer, pour avancer. Le flux et le reflux des expériences quotidiennes l’ont amené au choix d’une démarche qu’il qualifie de scientifique pour appréhender le monde. C’est aujourd’hui le problème du rapport entre apparence et réalité, lié à la notion de temps, qui l’intéresse. Apparence, réalité, faut-il se prouver qu’on existe ? Mode d’investigation contemporain, mais préoccupation de toujours : le personnage portraituré a mis des siècles à regarder en face le spectateur. Il a voulu d’abord montrer son rang social, sa puissance avant de se décider à révéler par son regard et derrière ses états d’âme, sa part de condition humaine. La dynamique de l’œuvre, c’était lui, sujet de représentation, c’est maintenant nous, spectateurs. Il ne s’agit plus d’une chose aussi restrictive et unique que l’exemple d’une personnalité ou d’une sensibilité, soit-elle artistique, il s’agit de nos processus de perception et de leur association au vécu individuel et collectif. Charles Payan, avec les plasticiens contemporains, affirme le plein sens du mot œuvre, œuvre qui est travail donc résultat matériel, mais aussi et surtout action donc interrogation et résonance. On a eu trop tendance à considérer " l’œuvre d’art " comme une affirmation, elle devient, en cette fin du XXe siècle, question, question dans un monde où toutes les données traditionnelles ont été bouleversées. C’est pour s’associer à cette gestation et promouvoir un art nouveau pour un monde renouvelé que le Musée de Mâcon présente périodiquement la création contemporaine, aujourd’hui celle de Charles Payan. »

Jean-François Garmier (Conservateur du Musée des Ursulines de Mâcon)