Presse – Lary Stolosh 2009

A propos de la création vidéo Peces, pescados, pescadores, pescadoras

VOYEZ COMME ILS NOUS REGARDENT

Dans un billet récent [*], j’évoquais le regard dubitatif des poissons d’une création vidéo de Charles Payan ; poissons « qui roulent des yeux ronds en nous scrutant ». L’illustration associée ne pouvait rendre compte de l’étrangeté de cette œuvre. Grâce à l’active collaboration de l’artiste, voici une image qui permet de se rapprocher de l’expérience de cette rencontre singulière…
Le regardeur perçoit d’abord une photographie ordinaire et pourtant insolite. Il y a quelque chose de plus que ce qu’il voit… il est intrigué sans comprendre par quoi. Pourquoi. Il lui faut un instant pour saisir l’étrangeté de la situation : un mouvement au sein d’une image qu’il a cru fixe, puis la monstruosité de globes oculaires scrutateurs. Le poisson, on le sait bien, n’a pas de regard mais un corps seulement. Aérien, ondoyant, léger, le corps fusiforme du poisson est toujours à distance, dans un espace à la fois familier et étranger. Éternellement ailleurs, de l’autre coté d’un miroir. Ce corps est un tout, une forme sans membres, sans visage. Lorsque nous nous intéressons à l’œil du poisson, c’est que le corps est mort et sa chair enjeu gastronomique, nous jugeons de sa qualité par celle de cet œil que nous exigeons vif. Et pourquoi pas… vivant. Un œil vivant dans un corps mort. Un œil mouvant dans un corps figé. Imaginez : des œillades de la poissonnaille échouée sur quelque étale surgit un regard. Épouvante ! Le contact des yeux est l’un des socles de la communication humaine, et les yeux des poissons de Charles Payan sont humains. Voyez comme ils nous regardent. Ils font intrusion dans notre monde et remettent en question ce que nous croyons qu’ils sont. Une soudaine proximité nous interroge sur notre place.

Lary Stolosh (blogueur d’art)
Source : https://lary-stolosh.fr/2009/02/06/voyez-comme-ils-nous-regardent/

PS : La vidéo « Peces, pescados, pescadores, pescadoras » a été pour la première fois exposée par Charles Payan en décembre 2008 à la Galerie du Larith. Voir ici le billet sur cette exposition.