Presse – Lary Stolosh 2011

A l’occasion de l’exposition instants à la galerie du Larith (Chambéry)

NON, PAS ÇA. TROP TRISTE. EFFAÇONS, REPRENONS...

Charles Payan et Stéphane G. Schollaert se sont retrouvés pour partager un nouvel « instant », trois ans après leur première exposition commune. Dans le dédale de la galerie du Larith, discrètement  retirée dans la ruelle éponyme, ils ont accroché et installé une nouvelle fois le fruit de leurs explorations du temps, mais peut être aussi, un peu plus nettement cette fois-ci, de la mémoire. Pour l’un le temps sans cesse suspendu, collection d’exceptions minuscules saisies par l’objectif complice du coup d’œil agile. Pour l’autre le temps affirmé insaisissable. Capturé par l’image, il bouge encore. Pris dans la forme, il fuit dans l’espace.

Nouvelle expérience de Charles Payan, pour saisir le temps dans sa matérialité. Le temps consubstantiel de l’espace, parce que l’espace seulement peut en inscrire l’expérience dans le corps. Par le mouvement ou l’immobilité, effet cinétique du dialogue de la lumière  adhérente à sa source avec celle diffuse d’un lieu. Mieux encore, si le sentiment de suspension devient, par un effet de mise en scène, celui d’une immersion dans la substance de l’instant : descente verticale dans le temps. Quand pourrons-nous ainsi nous recueillir dans l’installation que Charles Payan a rêvée pour la mosquée princière d’Ukahidir en Irak, comme nous avons pu le faire en l’église Saint Pierre de Marnans.

Le feuillet de présentation de l’exposition suggère de voir dans ces images et installations des manières « d’interpeller le spectateur […] de provoquer en lui une émotion qui le fait basculer dans sa propre mémoire ». Mais le cerveau est vaste et complexe, on peut s’y perdre et tout peut échapper. Le basculement peut être celui d’un passage à l’acte — compulsion de refus ou d’appropriation. Furtivement, un « spectateur » est venu marquer de son sceau l’espace vierge qui le fascine. Il entre dans la galerie, suit le guide du fil de lumière au plus près. Ne pas s’écarter du chemin tracé. Lorsque l’espace convoité s’offre à sa main, sa bombe y inscrit l’image XXL d’un ego masqué et l’affirmation d’une revendication. On ne sait si la signature est l’œuvre ou si elle est venue s’imposer en ce lieu pour répondre à quelque défi. Petit délice de la transgression ? Probablement, plus que manifeste artistique.

L’art de la rue ne peut revendiquer galeries et musées. Il est à la rue ou alors il est autre chose. Comme un malentendu ou un faux semblant. Il se dessèche sous les lumières des cimaises et s’épaissit dans les cocktails de vernissage. Que deviennent Banksy, Basquiat ou Haring lorsqu’ils sont exposés comme les faiseurs d’œuvres ? Des témoins d’une époque ? Des objets de mémoire ? événements ethnographiques ou objets d’archéologie contemporaine ? Non, pas ça. Trop triste. Effaçons, reprenons…

Lary Stolosh (blogueur d’art)
Source : https://lary-stolosh.fr/2011/01/03/non-pas-ca-trop-triste-effacons-reprenons/