Presse – Lary Stolosh 2015

A l’occasion du 8ème Symposium de sculpture de Saint Jean de Chepy (Isère)

MOUVEMENT, HARMONIE ET DÉCHIREMENT, LE CHANT DE SAINT JEAN DE CHÉPY

Un cube et un logiciel. La représentation d’un objet mathématique et un programme informatique créés par Patrice Belin. Dans l’espace de représentation, le logiciel déplace les sommets du cube dans un ordre aléatoire, pas à pas, petit à petit. Les étirements successifs animent la représentation au rythme d’une gigue étrange et drôle. A chaque pas le rapport des arêtes est calculé. Le logiciel guette dans le flot des résultats l’apparition du nombre d’or. Le cube qui abrite cette perle est identifié, mémorisé puis livré à l’artiste. Alors s’engage un autre processus, transition du virtuel au réel. Patrice Belin réalise une sculpture en acier selon les cotes calculées par le logiciel. À la beauté platonique du cube séminal est substituée une autre proposition de beauté dont le secret tiendrait à la présence d’une divine proportion.

Un parallélépipède rectangle de belle proportion, trapus mais sans lourdeur. La face supérieure glisse dans deux directions, le volume s’incline sans perdre l’équilibre. De ce polyèdre, Charles Payan tire quatre exemplaires identiques, puis les aligne en pivotant chacun d’un demi-tour. Seule reste immobile la face supérieure que revêt un miroir métallique. Du même nait alors une diversité musicale, harmonie tonale. Les faces supérieures régulièrement alignées reflètent le ciel et les frondaisons. La sculpture se fond dans son environnement, la rigueur de sa géométrie s’oublie dans le jeu des images.

Un visage humain, un corps animal. L’un en l’autre, ils ne font qu’un. Chimère à visage humain, métaphore d’une douloureuse dualité. En créant deux chimères identiques qui s’enroulent dans un mouvement de lutte, Alain Quercia ouvre la métaphore. Si l’identité des deux chimères peut évoquer la lutte contre la part d’animalité en chacun, elle peut aussi évoquer la confrontation tragique à l’autre lorsque cette part se libère. Symétrie, mise en abîme, l’un et l’autre aux prises avec l’autre. L’homme en l’animal ou l’animal en l’homme — en soi on le sait, en soi on le tait, en l’autre une évidence contre laquelle on s’épuise à protester. La mise en situation de la sculpture, inspirée de la lecture d’une pièce de théâtre de Bernard-Marie Koltès, amène le regardeur dans l’enclos du combat ; prise de risque contre laquelle Alain Quercia rappelle la mise en garde de l’auteur : méfie-toi si tu vois quelque chose ; laisse les bêtes régler leurs comptes entre elles…

Lary Stolosh (blogueur d’art)
Source : https://lary-stolosh.fr/2015/07/26/mouvement-harmonie-et-dechirement-le-chant-de-saint-jean-de-chepy/